Parce qu’elles procèdent d’une série d’épreuves de l’ordre de l’initiation, qu’elles exposent aux dégradations variables du corps, et qu’elles imposent la transgression d’interdits communément admis, les études soignantes sont traversées – si ce n’est structurées – par un lot de violences inévitables. Dans le même temps, les étudiants témoignent, lorsque parole leur est laissée, des violences déviantes dont ils sont régulièrement témoins, victimes, ou malgré eux auteurs. Pourtant, la violence reste à l’angle mort du soin et de la médecine. Faute d’apprendre à la reconnaître et à en discriminer les formes, les étudiants sont souvent contraints de l’appréhender dans un rapport passif-défensif d’intériorisation, de soumission, de normalisation, voire de reproduction. À ce titre, la privation – encore trop fréquente – d’accompagnement éthique et d’espace d’élaboration subjectif dans les études de santé constitue, en soi-seul, une violence qui double les déviances du soin et contribue à leur pérennisation.
Au sein de QuAS, la réflexion relative aux violences des études de santé est surtout portée par Charles-Edouard Notredame, qui a publié à ce sujet :
- L’étudiant en médecine, un apprenant en violence. Éthique et santé (2013) 10, 144-148
- Les violences dans la formation de l’étudiant en médecine. In : Dominique Davous, Catherine Le Grand-Sébille, Étienne Seigneur. L’éthique à l’épreuve des violences du soins (2014) Eres, Paris.
- Avec Etienne Seigneur : Souvenir des leçons d’anatomie. Témoignages. Études sur la Mort (2016) 149, 65-71
Violence et psychiatrie
Charles-Edouard Notredame
Pour peu qu’on accepte de ne pas se restreindre à ses acceptions les plus étroites, la question de la violence apparait comme incontournable à chaque étape du soin en psychiatrie : violence théorique que constitue le double risque de l’athéorisme et de l’idéologie totalisante, violence irréductible ou au contraire évitable de la mise à mal des subjectivités, violence paradigmatique des privations de liberté, etc. Si elle tend à devenir inapparente, banale ou anodine aux yeux des habitués, cette violence ne manque pas d’interpeler, si ce n’est d’affecter, ceux qui ont à s’initier à la discipline. À ce titre, l’expérience des apprenants offre une voie d’exploration privilégiée de ce qui nécessite, dans les soin psychiatriques, d’être assumé et de ce qui, au contraire, relève de l’inacceptable.
Interpellé par l’avivement éthique que lui a imposé son internat, le Dr Charles-Edouard Notredame, psychiatre de l’enfant et de l’adolescent au CHU de Lille, a consacré sa thèse d’Exercice de Docteur en Médecine à cette question de la violence du soin en psychiatrie :
Apprendre le soin en psychiatrie. Apprendre sa violence. (2016) Faculté de Médecine H. Warembourg, Lille. Sous la direction du Dr Catherine Le Grand-Sébille et du Pr Pierre Delion